Arrêt Schneider Electric du 22 Octobre 2018 (CE 9é-10é ch.22.10.2018 N°275213)

Le fait d’affecter un objectif au rachat par une société de ses propres titres peut avoir un impact comptable et fiscal majeur.

Rappel des règles de rachat par les sociétés par actions de leurs propres titres

Pour mémoire, l'achat par une société de ses propres actions est autorisé dans les conditions et selon les modalités prévues par la loi (art. L 225-206, II-al. 1). Ces conditions sont fortement encadrées, avec des règles communes à toutes les sociétés par actions et des règles spécifiques qui diffèrent selon que les actions sont ou non admises aux négociations sur un marché boursier et selon les finalités du rachat.

Que la société soit « cotée » ou non, l'achat est possible pour procéder à une réduction de capital (art. L 225-207).

La société peut aussi acquérir ses propres actions et les conserver sans être tenue de les annuler immédiatement ou à terme si l'achat est réalisé :

-  pour attribuer des actions aux salariés ou dirigeants de la société (art. L 225-208),

-  par les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur le marché Euronext Growth (ex-Alternext) pour notamment améliorer la gestion financière de leurs fonds propres, favoriser la liquidité des titres ou attribuer des actions à leurs salariés ou dirigeants (art. L 225-209),

-  par les sociétés dont les actions ne sont admises aux négociations ni sur un marché réglementé ni sur Euronext Growth pour les attribuer aux salariés ou dirigeants, pour faciliter une opération de croissance externe, de fusion, de scission ou d'apport ou encore pour les offrir à leurs actionnaires dans le cadre d'une procédure de mise en vente (art. L 225-209-2).

Elle peut enfin conserver 10% d’autodétention mais dans certaines conditions non détaillées ici.

Question tranchée par le Conseil d’Etat dans l’arrêt Schneider Electric du 22 octobre 2018

Lorsqu’une société rachète ses propres titres et les annule, leur valeur a pu varier entre la date d’achat et la date d’annulation. La question est donc de savoir si cette perte ou augmentation de valeur entre dans le résultat comptable.

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt Rexel du 1er avril 2015, avait eu l’occasion de se prononcer sur le traitement comptable et fiscal de la perte de valeur lorsque les titres avaient été achetés initialement pour être cédés. Avec cette affectation initiale, il a été jugé que la perte de valeur influençait le résultat comptable et était déductible.

Apport de l’arrêt Schneider Electric du 22 octobre 2018

Au cas d’espèce, les titres avaient été rachetés avec indication de plusieurs affectations possibles (réduire la dilution du capital, optimiser la gestion des fonds propres et réaliser des opérations de croissance, ainsi que régulariser les cours de bourses) avec, pour chacun de ces objectifs, l’hypothèse d’une annulation des titres expressément envisagée. Cette opération d’annulation de titres ayant abouti à constater, suivant l’exercice, une perte ou un gain, cette perte ou ce gain avaient été intégrés comme tels dans le résultat comptable.

Le Conseil d'État pose le principe selon lequel le rachat par une société de ses propres titres en vue de la réduction de son capital social, suivi de cette réduction, est par lui-même sans influence sur la détermination de son résultat imposable. Ce principe est conforme aux règles comptables.

Le Conseil d’Etat apporte une précision supplémentaire dans cet arrêt puisqu’il a jugé que l’annulation au cas d’espèce était sans influence sur le résultat comptable alors même que l’autorisation de racheter les titres avait prévu une « pluralité d’objectifs au sein desquels figure la réduction de capital », « sans préciser quelle proportion des titres achetés serait affectée à ce dernier objectif ».

En d’autres termes, peu importe que l’objectif prioritaire ait été autre que l’annulation des titres, dès lors qu’il n’est pas indiqué une proportion de titres affectés à l’annulation, auquel cas seule cette proportion n’aurait eu aucun impact sur le résultat.

Conclusions : Ces arrêts rappellent donc qu’il convient d’être vigilent sur les objectifs assignés aux rachats par une société de ses propres titres compte tenu de l’impact fiscal d’une telle qualification.

 

Dominique Dumas, avocat associé

Corporate – M&A – Business Law

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