L’activité partielle facilitée : mode d’emploi

Le décret du 25 mars 2020 et l’ordonnance du 27 mars 2020 aménagent et complètent le dispositif d’activité partielle, pour en faciliter son accès et réduire le montant laissé à la charge de l’employeur.

Les ordonnances en matière sociale prises sur le fondement de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, ont enfin été publiées au Journal Officiel du 26 mars.

Le décret 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle, était particulièrement attendu par les entreprises qui cherchent à faire face à la forte baisse de leur activité en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19. Les nouvelles règles s’appliqueront aux demandes d’indemnisation effectuées à compter du 26 mars 2020 au titre des heures chômées depuis le 1er mars 2020.

Le décret assouplit la procédure de dépôt des demandes d'activité partielle et supprime, pour les rémunérations inférieures à 4,5 SMIC, le reste à charge pour l'entreprise.

Il est désormais complété par l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle.

Vous trouverez ci-après les nouvelles règles en vigueur afin que vous puissiez effectuer votre demande d’activité partielle.

1. Quelles entreprises sont concernées ?

Rappelons que le motif du Coronavirus est insuffisant à lui seul pour justifier le recours à l’activité partielle. Si l’épidémie de Covid-19 constitue une circonstance exceptionnelle justifiant la mise en place de l’activité partielle, toutes les entreprises ne sont néanmoins pas éligibles au dispositif.

Peuvent solliciter une allocation d’activité partielle pour un ou plusieurs salariés dans l’impossibilité de travailler, les entreprises qui sont :

  • concernées par les arrêtés prévoyant une fermeture de l’entreprise (notamment les arrêtés du 14 mars 2020et du 15 mars 2020) ;
  • confrontées à une baisse d’activité et / ou à des difficultés d’approvisionnement ;
  • dans l’impossibilité de mettre en place les mesures de prévention nécessaires pour la protection de la santé des salariés (télétravail, geste barrière, etc.) pour l’ensemble de leurs salariés.

2.  La procédure de dépôt de la demande

2.1. Une procédure allégée

  • L’employeur dispose d'un délai dérogatoire de 30 jours, à compter du placement des salariés en activité partielle, pour adresser sa demande par voie dématérialisée sur le site sécurisé et confidentiel suivant : https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/ ;
  • La Direccte dispose désormais de 48 heures, au lieu de 15 jours, pour répondre à cette demande et ce, jusqu’au 31 décembre 2020. L’absence de réponse dans ce délai vaut acceptation ;
  • L’autorisation d’activité partielle peut être accordée pour une durée maximale de 12 mois (au lieu de 6 mois auparavant), éventuellement renouvelable (R 5122-9, modifié du Code du travail).

2.2. La consultation du CSE

Le décret du 25 mars 2020 prévoit que l’avis du CSE, qui en principe doit être consulté préalablement à la demande d’autorisation, puisse être recueilli postérieurement à la demande d’autorisation et transmis dans un délai maximal de 2 mois à compter de cette demande (art. R 5122-2, al. 6 modifié du Code du travail).

La consultation doit porter sur :

  • Les motifs de recours à l’activité partielle ;
  • Les catégories professionnelles et les activités concernées ;
  • Le niveau et les critères de mise en œuvre des réductions d’horaire ;
  • Les actions de formations envisagées ou tout autre engagement pris par l’employeur.

Les entreprises dépourvues de représentants du personnel doivent quant à elles informer les salariés du projet de mise en activité partielle.

3. Contenu de la demande

La demande doit préciser :

  • Le motif de recours: les circonstances exceptionnelles invoquées et le Coronavirus ;
  • Les circonstances détaillées et la situation économique de l’entreprise: les effets de l’épidémie de Covid-19 sur l’activité de l’entreprise devront être précisés, notamment l’ampleur des difficultés et son impact sur l’emploi ;
  • La période prévisible de sous-emploi, qui peut s’étendre jusqu’au 30 juin 2020 dès la première demande ;
  • Le nombre de salariés concernés;
  • Le nombre d’heures chômées prévisionnelles.

4. Quels sont les salariés concernés ?

4.1. Conditions

  • Tous les salariés, à temps complet ou à temps partiel, en CDD ou en CDI sont éligibles au dispositif sans aucune condition d’ancienneté ;
  • Sont également éligibles au dispositif les salariés au forfait heures ou jours sur l’année même en l’absence de fermeture de l’établissement, l’ordonnance du 27 mars 2020 précisant par ailleurs que la détermination du nombre d’heures prises en compte pour l’indemnité d’activité partielle et l’allocation d’activité partielle est effectuée en convertissant en heures un nombre de jours ou demi-journées (article 8 de l’ordonnance du 27 mars 2020) ;
  • Les salariés en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation sont également éligibles au dispositif et recevront une indemnité horaire d'activité partielle, d'un montant égal au pourcentage du Smic qui leur est applicable (article 4 de l’ordonnance du 27 mars 2020) ;
  • L’ordonnance du 27 mars 2020 étend le dispositif:
  • aux salariés  employés à domicile par des particuliers employeurs et les assistants maternels (article 7), sous certaines conditions précisées dans un nouveau décret à paraître ;
  • aux salariés des entreprises étrangères sans établissement en France relevant du régime français de sécurité sociale et de l’assurance-chômage (article 9) ;
  • aux salariés des entreprises publiques qui s’assurent elles-mêmes contre le risque du chômage (article 2) ;
  • aux salariés des remontées mécaniques (article 10) ; et
  • aux salariés qui ne sont pas soumis aux dispositions légales ou conventionnelles relatives à la durée du travail, comme les VRP, dont les modalités de calcul de l’indemnité et de l’allocation seront déterminées par décret (article 8).
  • En revanche, semblent encore exclus du dispositif : les stagiaires, les gérants de sociétés et mandataires sociaux ( technique DGEFP, août 2013, fiche n°2.3). Ce dernier point devra sans doute être clarifié par un nouveau décret à paraître.

4.2. Situation du salarié

  • Le salarié ne peut pas refuser sa mise en activité partielle : le contrat de travail est suspendu durant cette période (L 5122-1, II, alinéa 2 du Code du travail) ;
  • Désormais l'activité partielle s'impose également au salarié protégé, sans que l'employeur n'ait à recueillir son accord, dès lors qu'elle affecte tous les salariés de l'entreprise, de l'établissement, du service ou de l'atelier auquel est affecté ou rattaché l'intéressé (article 6 de l’ordonnance du 27 mars 2020) ;
  • Les salariés en congés ont droit aux indemnités de congés payés pendant toute la durée de leurs congés inclus dans la période de mise en activité

4.3. Nombre d’heures à prendre en compte

  • Le salarié a droit à une indemnité spécifique pour chaque heure chômée et indemnisable, sans délai de carence ;
  • Le nombre d’heures indemnisables correspond à la différence entre la durée légale du travail sur la période considérée ou, si elle est inférieure, la durée conventionnelle ou contractuelle du travail et le nombre d’heures travaillées sur cette période ( R.5122-19) ;
  • Pour les salariés au forfait, est prise en compte la durée légale correspondant aux jours de fermeture de l’établissement ou aux jours de réduction de l’horaire de travail pratiquée dans l’établissement, à due proportion de cette réduction ( R.5122-19 alinéa 2 modifié du Code du travail) ;
  • Les heures supplémentaires, même chômées, ne sont pas indemnisables (R 5122-11 du Code du travail).

5. Nouvelles modalités de calcul de l’allocation

5.1. Quelle allocation d’activité versée par l’État à l’employeur ?

L'allocation d'activité partielle versée par l'État à l'entreprise est désormais proportionnelle à la rémunération des salariés placés en activité partielle :

  • Le taux horaire de l'allocation d'activité partielle est égal, pour chaque salarié concerné, à 70 % de la rémunération horaire brute, limitée à 4,5 fois le taux horaire du SMIC ( D. 5122-13 modifié du Code du travail) ;
  • Ce taux horaire ne peut être inférieur à 8,03 euros, sauf pour les apprentis, les salariés en contrat de professionnalisation et les intérimaires ;
  • Le reste à charge pour l’employeur est donc égal à zéro pour tous les salariés dont la rémunération est inférieure à 4,5 SMIC brut ;
  • Si l’employeur verse à ses salariés une indemnité d’un montant supérieur à 70% de leur rémunération antérieure, la part additionnelle ne sera pas prise en charge par l’État.

5.2. Comment calculer l’indemnité à verser au salarié ?

  • La rémunération servant de base de calcul de l’indemnité est celle qui sert d’assiette de calcul à l’indemnité de congés payés suivant la règle du maintien de salaire (R 5122-18 du Code du travail) ;
  • Sont notamment exclues de l’assiette de l’indemnité, le 13e mois, les primes exceptionnelles, les primes de vacances, les primes d’assiduité et de rendement allouées globalement pour l’ensemble de l’année, les primes semestrielles d’efficacité ;

L’indemnité est versée par l’employeur à la date habituelle de versement du salaire.

5.3. Mentions des heures sur le bulletin de paie

Le bulletin de paie doit mentionner (art. R. 3243-1 modifié du Code du travail) :

  • Le nombre d’heures indemnisées ;
  • Le taux appliqué pour le calcul de l’indemnité mentionnée à l’article R. 5122-18 ;
  • Les sommes versées au salarié au titre de la période considérée.

5.4. Régime social et fiscal de l’indemnité

L’indemnité versée au salarié est :

6. Le remboursement de l’Etat à l’employeur

6.1. Quelles sommes seront remboursées à l’employeur par l’État ?

  • En contrepartie des indemnités versée au salarié, l’employeur reçoit de l’État une allocation d’activité partielle ;
  • Le décret du 25 mars 2020 prévoit que le reste à charge pour l’entreprise sera nul pour les salariés dont la rémunération n’excède pas 4,5 fois le Smic ;
  • Si l’employeur décide de verser un complément d’indemnisation au salarié, celui-ci ne sera pas pris en charge par l’État.

6.2. Modalités du remboursement

L’employeur adresse, à la fin de chaque mois, une demande d’indemnisation à l’Agence de Services et de Paiement (ASP) via son compte Internet dédié (art. R.5122-5 du Code du travail).

Cette demande doit impérativement être faite dans le délai d’un an suivant le terme de la période par l’autorisation et doit comporter :

  • Des informations relatives à l'identité de l'employeur ;
  • La liste nominative des salariés concernés ainsi que le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques ;
  • Les états nominatifs précisant notamment le nombre d'heures chômées par salarié : pour chaque salarié, les heures hebdomadaires réellement travaillées et les heures hebdomadaires réellement chômées.

Un nouveau décret est encore attendu, afin de préciser ces nouvelles modalités de l’activité partielle. À suivre…

Aurélie Kamali-Dolatabadi, Avocat associé

Marion Narran-Finkelstein, Avocat

Courtois Lebel-Département Droit Social